La castellologie (du latin castellum, château) est la discipline qui étudie le château du Moyen Âge et par extension l’architecture fortifiée de cette période. Le castellologue en est le spécialiste.
Cette discipline trouve ces racines dans les travaux de Michel de Boüard ainsi que dans ses colloques Château Gaillard qu’il créa en 1962.
La castellologie a pour but d’étudier le château du Moyen Âge (le terme « château fort », pourtant très employé, est abandonné par les spécialistes dans la mesure où il évoque plutôt l’aspect et le rôle militaire du château). Elle couvre une période précise qui va du Xe au XVe siècle (les périodes suivantes conservent le terme de « château », mais pour désigner des édifices qui n’ont plus aucun rôle militaire).
La castellologie définit le château comme un édifice aristocratique répondant à trois fonctions: défense, résidence et symbolisme.
Elle en considère les différents types:
- le château à proprement parler
- le petit château (construction de la moyenne aristocratie qui imite les édifices des grands seigneurs)
- la maison forte (édifice qui se compose d’un seul élément architectural)
les autres résidences aristocratiques
Enfin, elle en retrace l’histoire et l’évolution en trois époques:
- la première (Xe siècle-milieu du XIIe siècle) élève des édifices de terre et de bois, ainsi que des bâtiments en pierre d’un type déjà très abouti;
- la deuxième (milieu du XIIe siècle-fin du XIIIe siècle) crée un édifice révolutionnaire, défensivement beaucoup plus élaboré, spectaculaire illustration de la puissance de la royauté;
- la troisième (XIVe siècle-XVe siècle) construit des édifices luxueux, puis tente d’adapter les constructions à l’artillerie à poudre, mais voit finalement disparaître un bâtiment incapable de s’adapter aux nouvelles techniques de la guerre.
Par extension, la castellologie étudie aussi l’architecture fortifiée du Moyen Âge: enceintes urbaines, églises et abbayes, ports, fermes, ponts, moulins.
La Castellologie, pluridiscipline universitaire
Son approche est pluridisciplinaire, ce qu’illustre la formation diverse de ses chercheurs (historiens de l’art, archéologues, architectes). Un château ne peut se comprendre en effet sans une analyse de son contexte historique, politique, social et économique. Son étude nécessite aussi bien une approche monumentale qu’une approche archéologique et implique le recours à de nombreuses spécialités.
La discipline garde cependant ses spécificités, notamment un vocabulaire précis pour désigner les édifices dans la mesure où elle considère avant tout leur aspect architectural et leur décor. Cela entraîne parfois des divergences avec d’autres domaines, par exemple avec l’histoire: un édifice nommé «maison forte» dans un texte pour des raisons juridiques (car il ne possède pas le droit de ban) sera pour un castellologue un petit château s’il comprend un certain nombre d’éléments architecturaux (enceinte, tours, logis, donjon).
L’étude du château, qui considère architecture et décor, n’interdit pas des comparaisons avec l’architecture religieuse et l’architecture civile dans la mesure où des similitudes existent, notamment dans les techniques de construction.
Historique de la castellologie
Si le château est étudié dès le XIXe siècle, en particulier par Viollet-le-Duc qui lui consacre de nombreux articles dans son Dictionnaire de l’architecture (1854-1868) et même un récit romancé, Histoire d’une forteresse (1874), les débuts de la castellologie en France sont dus aux travaux des pionniers que furent, à partir des années 1950, Raymond Ritter, Pierre Héliot, José-Fédérico Fiño, André Châtelain, Jacques Gardelles ainsi que Michel de Bouärd en archéologie.
Depuis les années 1980, les travaux de castellologie se sont multipliés. Le C.N.R.S. a constitué des équipes pluridisciplinaires sous l’appellation de Projet collectif de recherches (Le Château de pierre médiéval en Rhône-Alpes; Les Châteaux du nord-est de la France). Les fouilles archéologiques, dont certaines sont spectaculaires (le Louvre 1983-1985, le château de Vincennes 1991-1996), apportent peu à peu une meilleure connaissance comme l’illustre entre autres le colloque organisé à Nancy et Pont-à-Mousson (1984) sur la Maison forte. L’Université a créé à Poitiers, au Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, une équipe associée au C.N.R.S. qui propose séminaires, examens de terrain, colloques et publications.
Des colloques sont organisés soit régulièrement (tous les deux ans pour le C.R.A.M. dans un pays différent), soit ponctuellement (Le Château médiéval, forteresse habitée à Lyon en 1988; Les Fortifications dans les domaines Plantagenêt de France à Poitiers en 1994; Les Enceintes urbaines (XIIIe-XVIe siècle) à Nice en 1996…).
L’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne notamment font à leur tour une place à la castellologie, ce qui permettra d’établir des synthèses à l’échelle européenne.
Avec l’aimable autorisation de :
Philippe DURAND
UFR D’HISTOIRE DE L’ART
UNIVERSITÉ MICHEL DE MONTAIGNE/BORDEAUX 3
FRE 2792/CESCM, POITIERS