Clovis, petit chef barbare devenu roi des francs, puis ancêtre des rois de France. Clovis, premier roi chrétien, appelé vers cette religion par les visions et les miracles lors de la bataille de Tolbiac. Clovis, unificateur de la Gaule romaine, restaurateur de l’idée d’un empire d’occident. Clovis, le premier symbole de l’origine de la France repris durant de nombreux siècles à des fins de propagande lors des conflits ou des soucis d’identité française.
Mais que sait-on réellement de ce roi germain ? Finalement, pas grand chose, tout du moins avec certitude. Nous disposons de très peu de sources sur son règne. Bien sur, il y a l’Histoire des Francs (Historia Francorum) rédigé par Grégoire de Tours, mais qui ne fut pas contemporain du souverain, reprenant ça et la quelques rares lettres et traditions orales, ne s’attardant pas sur la biographie du chef francs, mais sur ses victoires chrétiennes contre l’arianisme. De la même époque, nous avons la Chronologie de Marius d’Avenches, mais qui reste somme tout très succincte, enfin, il y a les écrits de Rémi1
Un empire romain barbarisé
La fin du Ve siècle est relativement trouble, les francs installés dans le Nord de la Gaule et en Belgique sont depuis longtemps « intégrés » à l’empire romain, qui n’a d’ailleurs plus de romain que le nom. Depuis 404, la capital de l’empire d’occident et Ravenne. L’empire subit plus qu’il ne contrôle les peuples qui déferlent sur lui. En 410, les wisigoths d’Alaric Ier pillent la ville de Rome qui sera une nouvelle fois saccagée en 455 par les Vandales de Genséric. La même année, un noble gallo-romain d’origine arverne du nom d’Eparchus Avitus est placé sur le trône impériale par Ricimer, un général d’origine suève. En 476, c’est le roi burgonde Gondebaud qui tente de prendre le pouvoir en plaçant Glycère à Ravenne. Finalement, le dernier empereur romain d’occident, Romulus Augustule est, semble t-il d’ascendance germanique. Coté territorial, l’empire romain aussi fait pâle figure. Les Vandales ont conquits l’Afrique du Nord et la Sicile, les wisigoths se sont installé sur le sol ibérique et le sud de la Gaule. La vallée du Rhône est contrôlée par les burgondes, le nord , par les francs. A l’est, les alamans et les thuringiens menacent les frontières. Au loin, les alains et les ostrogoths approchent. C’est dans ce contexte que les tribus franques de Belgique vont s’affirmer.
Si l’ensemble de ses royaumes barbares font serment d’allégeance à l’empire, il n’en est pas de même pour tous les généraux, ainsi, vers 461, Aegidius, maitre des milice pour la Gaule (magister militum), rompt ses liens avec l’empire lors du coup d’état de Ricimer contre Majorien et tente de fonder une entité gallo-romaine indépendante au nord de la Loire. Le nouvel empereur, Libius Sévère, mais surtout son successeur Anthémius, va bénéficier de l’aide des tribus vassalisés pour tenter de mater la révolte et les francs toujours fidèles auront leur part de travail. En 464, Syagrius succède à son père Aegidius et débute un long combat contre les francs.
L’essor des francs saliens et l’avènement de Clovis
La « Vita Sanctae Genovefae » (Vie de Sainte Geneviève) nous apprend que Childéric avait procédé à des raids vers Paris dont il voulait, de part sa situation, prendre possession afin de bénéficier d’un point d’appui puissant en Gaule et en prend même un contrôle temporaire en 465. Les « Annales Andecavenses », elles, rapportent que le chef franc aurait guerroyé vers Orléans en 463, puis aurait combattu près d’Angers, se rendant maitre de la ville après la mort du magistrat local, Paulus. L’ensemble de ces manoeuvres militaires le faisant se heurter régulièrement aux troupes du général Aegidius, puis à celles de son fils Syagrius, il parait donc évident que le territoire du roi franc ne se cantonnait pas à la région de Tournais, mais se prolongeait bien plus au sud, parfois jusqu’à la Loire. Syagrius, en proie à ces nombreux combats n’aurait jamais pu assoir sa suprématie sur le « dernier » bastion romain d’occident et donc, bien évidement jamais fondé le royaume de Soissons2.
Lorsque Clovis prend le pouvoir en 481 ou 4823 il n’est pas le petit chef francs régnant sur la région de Tournais, mais l’héritier d’un puissant royaume (l’inventaire de la tombe de Childéric le prouve4) et d’une armée entrainée et expérimentée par quelques décennies de guerre. Ses alliances, souvent familiales, avec les autres chefs francs de même que son mariage avec une princesse rhénane dont il aura un fils en 485, Thierry, assoit sa supériorité dans le nord de la Gaule. Lorsqu’en 486 il se tourne « officiellement » contre Syagrius, il ne fait que continuer l’oeuvre de son père, agrandir son royaume et son pouvoir et prendre définitivement le contrôle militaire du nord de la Gaule face à un général indépendant et allié des wisigoths ariens. Saint remi, évêque de Reims, le lui rappel d’ailleurs rapidement dans une de ses nombreuses lettres..Saint Remi
…ut coeperis esse, sicut parentes tui semper fuerunt.
Saint Remi
…tu commencera par être ce que tes parents ont toujours été.
Saint Remi (traduction)
Avec l’aide de ses alliés francs, Clovis porte le coup fatal à un Syagrius, usé et fatigué par des années de guerre et de défaites, en le battant à Soissons. Selon Grégoire de Tours, Clovis aurait battu ce jour le roi des romains (Rex Romanorum), pourtant, il semble être le premier à le nommer ainsi. Aucune source n’indique que Syagrius portait un quelconque titre romain, patrice, duc (dux), ou comte (comes), ou même « magister militum » comme son père. De plus, sont état de général indépendant à l’empire et ses relations étroites avec les wisigoths ne pouvait en faire un souverain officiel reconnu par l’empereur. Il est donc étonnant qu’après la chute de Romulus Augustule, en 476, il ait été reconnu comme roi des romains. Clovis n’a donc finalement balayer qu’un général rebelle guerroyant sur des territoires qui devait revenir au chef franc de part les faits d’armes et les alliances passées de son père Childéric et avec le soutient du roi d’Italie et de l’Eglise chrétienne par l’entremise de Saint Remi.
Références :
1 – Histoire ecclésiastique des Francs par Grégoire de Tours2 – Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons par Edward James
3 – La conversion et le baptême de Clovis par Léon Levillain
4 – Le mobilier funéraire de la tombe de Childéric Ier par Michel Kazanski et Patrick Perin